Son histoire rapide
Aimé Roux est né à Charaboule dans la vallée du Champsaur (Hautes-Alpes) le 6 octobre 1920. Il est le fils aîné de Joseph Roux et France Sarrazin. Il fréquente l’école de Poligny mais aussi celle de La Fare avec Mr Bertrand. Certificat d’étude en poche,
il fait une année au cours complémentaire de Saint Bonnet avec son copain Roger Boyer.
Puis il travaille à la ferme, il faut faire vivre toute la famille, deux sœurs et un frère, des parents vieillissants, – un papa gazé durant la guerre de 14/18
et une maman qui se paralyse. Pourtant dès le début de la seconde guerre mondiale, il aimerait faire quelque chose.
Il n’oublie pas que son père s’est battu pour garder la liberté de la France et que deux de ses oncles et un de ses cousins étaient morts pour la France
pendant la fameuse guerre de 14/18 (Aimé Dumas, Pierre Sarrazin et Félicien Dumas). Et puis y avait-il une « culture militaire » dans cette famille, où
son arrière-grand-père, Michel Sarrazin avait fait la Campagne de Russie et Waterloo et avait même reçu la médaille de Sainte Hélène ?
Il s’engage au 12ème régiment de Cuirassiers à Orange début 1941. Mais, fin 1942, les casernes ferment et les soldats renvoyés chez eux… il retourne donc dans ses montagnes natales et rejoint le maquis des Alpes. Tout d’abord la trentaine Piot
à Molines. Durant toute cette période, la maison de Charaboule sert de cache pour de nombreux résistants dont les Gendarmes de La Fare, André Barreau par exemple. Aimé et son accordéon animent souvent des bals improvisés et illégaux devant le café de Madame Roux. Si par hasard, les gendarmes venaient à passer par là, il jetait (déposait) son accordéon dans le jardin de la Cure de Poligny et
tout le monde s’esquivait.
En août 1944, Il rejoint les commandos du lieutenant-colonel Drouot-l’Hermine, et Austerlitz. Il suit l’instruction de Jean Sassi et participe au Combat de Laye puis à la libération de Gap, Barcelonnette, Briançon, Queyras et Abriès.
Réengagé au 4ème Régiment des Tirailleurs Marocains il part pour le front d’Alsace et participe à la libération de la poche Colmar. Alors nommé caporal et affecté, au 159ème Régiment d’Infanterie Alpine il est envoyé au front des Alpes, et enfin affecté à l’occupation en Italie et en Autriche.
Finalement, le 27 décembre 1945, il est démobilisé : la guerre est finie.
Il retourne à Charaboule mais constate rapidement que la situation devient
compliquée et difficile. Il est préférable d’aller travailler ailleurs pour nourrir et soigner cor rectement toute la famille… Admis à l’école de Gendarmerie de Romans
et ensuite affec té à la 6ème Légion de Garde Républicaine de Strasbourg, il épouse Claudine Moulin à Benney en Meurthe-et-Moselle. L’année suivante, le 8 mai
1950, naquit leur fille Claudette.
Puis il est désigné pour l’Extrême-Orient. Il embarque sur le Skaugum pour l’Indochine et débarque à Saïgon le 2 juillet 1951. Il rallie le Golfe du Tonkin puis Hanoï où il restera un an durant lequel il assurera tour à tour l’intendance du PC et le Pôle photographique jusqu’à son affectation en postes.
Là il devra surveiller, animer et entraîner au combat la garnison de partisans vietnamiens. Telle était la mission difficile et dangereuse des gardes-mobiles
en Indochine.
Ils manquaient de tout, d’armes, de soins et en particuliers d’effectifs. Pour accroître ceux-ci le commandement dut « jaunir » les unités en recrutant des partisans et les faire encadrer par des gardes-mobiles. Très « travaillés » par les propagandistes Viet Minh ces partisans étaient peu sûrs et leurs chefs durent faire des prodiges pour les garder en main dans ces postes isolés qui étaient minés par les risques de trahison et tenaient rare ment en cas d’attaque.
C’est ainsi que le 8 novembre 1952, au poste de Phong Naï qu’il commandait, Aimé Roux et ses hommes furent attaqués et submer gés par l’ennemi, dix fois plus nombreux. En raison de sa fonction de chef de poste, Aimé Roux est fait prison nier puis emmené au camp disciplinaire de Kim-Ton, l’enfer(1) au cœur d’un massif
montagneux impénétrable. Les prisonniers étaient soumis au climat tropical, aux travaux forcés et aux longues marches dans une jungle épaisse et humide, sous-alimentés et ne pouvait espérer aucun secours médical. Pire encore, ils devaient faire face à l’incessante pression des lavages de cerveaux et de l’endoctrinement politique.
Tout d’abord il fut porté disparu, puis présumé disparu un mois plus tard et enfin, déclaré prisonnier le 10 février 1953. Un avis de décès est émis par le Ministère des Anciens Combattants le 5 octobre 1953.
Il faut savoir que dans ces contrées lointaines il y a des gens portés disparus qui ont été déclarés morts et sont finalement rentrés au bout de 10 ou 15 ans et des gens morts qui bien sûr ne sont pas rentrés et pour lesquels on a mis plusieurs années
à déclarer le décès…
Commence alors une longue attente pour son épouse et sa fille. « En fait le doute a plané jusque dans les années 80-90. Je garde en moi ce climat lourd, angoissant et triste qui régnait à la maison…», nous rapporte sa fille.
En fait Aimé Roux, affaibli par ses crises de paludisme, atteint de Beriberi sec, probablement de dyssenterie amibienne, laissé sans soin, sans médicament, meurt d’épuisement et de désespoir en 1953. Fier de sa Patrie, il a toujours refusé de signer le « manifeste communiste ». Ses camarades les plus valides le portent en terre dans
une natte de jonc, au milieu de la brousse. Il repose à jamais loin du sol français avec ses camarades d’infortune. Il est Mort pour la France, ayant combattu jusqu’au bout pour sa Patrie. Ses parents n’ont jamais eu connaissance de son décès, ses
sœurs et son frère en avait décidé ainsi ! Tous deux sont morts en 1956 réclamant leur fils « perdu » en Indochine.
(1) Les Camps Viets étaient de véritables Goulags,
des Camps de la mort d’où 71% des prisonniers ne
sont pas revenus